Yannick Neuder a tranché ce jeudi sur France Inter. Le numerus apertus sera supprimé le 17 juin. Une décision qui enterre cinq ans d’un système jugé « encore beaucoup trop restrictif » par le ministre lui-même.
Fini le bricolage. Le ministre délégué chargé de la Santé passe à l’action. « Je vais supprimer le numerus apertus pour former plus de médecins », a-t-il annoncé au micro de la radio publique.
La proposition de loi qu’il avait portée en tant que député arrive enfin au Sénat. Votée en décembre 2023 à l’Assemblée, elle aura mis six mois pour traverser le Palais du Luxembourg.
Le constat d’échec
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 51 505 étudiants formés entre 2021 et 2025 selon les objectifs fixés. Une progression certes – 16 600 admis en 2021 contre 14 800 en 2020 – mais insuffisante face à l’urgence.
La Cour des comptes a dressé en décembre un « bilan contrasté ». Euphémisme administratif pour qualifier un système complexe, coûteux et inégalitaire.
35,5% des médecins ont plus de 60 ans. Pour chaque départ en retraite, il faut 2,3 remplaçants selon les calculs du ministère. Les déserts médicaux progressent. La psychiatrie manque cruellement de bras avec seulement 500 internes formés chaque année.
Les universités au pied du mur
« On nous demande d’ici 2027 de créer 120 places supplémentaires par faculté, je ne sais pas comment on va faire. » Benoit Veber, président de la Conférence des doyens, ne cache pas son inquiétude dans L’Étudiant.
Les terrains de stage saturent déjà selon l’ANEMF, rapporte Le Moniteur des Pharmacies. Lucas Poittevin, président de l’association étudiante, prévient : sans moyens supplémentaires, « la qualité de la formation se dégradera ».
Neuder promet de « former en fonction des besoins des territoires » et de « rapatrier tous les étudiants français partis en Roumanie, en Belgique ». Des promesses qui restent à concrétiser.
La psychiatrie en première ligne
Le ministre veut porter le nombre d’internes en psychiatrie à 600 par an d’ici 2027. Une hausse modeste face aux besoins colossaux du secteur.
Cette annonce s’inscrit dans le plan santé mentale présenté mercredi. Formation de l’ensemble des professionnels de santé scolaire, 300 000 secouristes en santé mentale, modules renforcés dans les facultés… Les ambitions sont là. Les moyens suivront-ils ?
« La psychiatrie ne doit plus être le parent pauvre de l’hôpital », martèle Neuder. Reste que le ministère n’a pas précisé les budgets alloués.
L’héritage du numerus clausus
La France paie encore les erreurs du passé. 3 500 places seulement en 1992, au plus bas du numerus clausus. Une restriction drastique qui explique en partie la pénurie actuelle.
Le numerus apertus devait corriger le tir. Avec lui sont nés les parcours PASS et LAS, censés diversifier les profils. Résultat : un système jugé trop complexe par les étudiants et trop rigide par les pouvoirs publics.
La proposition de loi prévoit trois mesures phares selon AEF Info : supprimer le numerus apertus, faciliter le retour des étudiants expatriés et ouvrir davantage aux paramédicaux.
Et maintenant ?
Le 17 juin, le Sénat tranchera. Les étudiants actuellement en PASS ou LAS ne sont pas concernés. Pour les autres, l’incertitude demeure.
Une réforme plus large est annoncée pour 2026. Ses contours restent flous. Combien d’étudiants supplémentaires ? Avec quels moyens ? Dans quelles conditions ?
Bastien Bailleul, président du syndicat des internes en médecine générale, y voit « une première mesure » positive. Mais entre les annonces et leur mise en œuvre, le chemin sera long.
Car former plus ne suffit pas. Il faut des amphithéâtres, des enseignants, des terrains de stage. « Tout cela ne se fait pas en deux minutes », rappelle Benoit Veber.
Le numerus apertus médecine rejoint le cimetière des réformes avortées. Après le numerus clausus (1971-2020) et son successeur mal-aimé, la France cherche encore la formule pour résoudre sa pénurie de médecins. Pendant ce temps, les déserts médicaux gagnent du terrain et les étudiants votent avec leurs pieds. Direction l’étranger.